ActualitésSurenchère et Garanties de Paiement

28 avril 2023

A défaut de remise par le surenchérisseur d’une garantie de paiement valable, la surenchère est irrecevable…

La réforme des saisies immobilières n’a pas entraîné la disparition de la surenchère, même si elle en a modifié quelques aspects.La finalité de la surenchère est que le bien soit vendu au meilleur prix.Cependant, le législateur a souhaité encadré la surenchère afin d’éviter que l’incertitude plane trop longtemps sur le sort de la première adjudication.

Les faits de l’espèce sont les suivants : une société est déclarée adjudicataire d’un bien immobilier, lors de l’audience des saisies immobilières du tribunal Judiciaire.

Huit jours plus tard, selon déclaration de surenchère dénoncée le même jour à l’adjudicataire, une autre société déclare former une surenchère du dixième du prix, sur le prix d’adjudication moyennant lequel la première société s’est rendue adjudicataire du bien, conformément à l’article R322-51 du CPCE.

Cependant, la société adjudicataire conteste devant le juge de l’exécution la surenchère au motif que l’avocat mandaté pour surenchérir ne s’est pas fait remettre une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque du dixième du prix principal de la vente, comme l’indique l’article précité.

En effet, en l’espèce, il figure sur l’attestation de consignation en vue de la surenchère, que la somme a été déposée sur le compte CARPA du conseil de la société qui a surenchéri.

Ce dernier n’atteste donc pas s’être fait remettre un chèque de banque ou une caution irrévocable mais simplement que la somme a été déposée sur son compte CARPA.

Plus précisément, il apparaît que la somme a été virée par la société qui a surenchéri sur le compte de son avocat. Ce dernier a alors émis un chèque à l’ordre de la CARPA qui a été remis à l’encaissement dans le délai de dix jours.

Or, les dispositions de l’article R322-51 du Code des procédures civiles d’exécution sont claires et prévoient :

A peine d’irrecevabilité, la surenchère est formée par acte d’avocat et déposée au greffe du juge de l’exécution dans les dix jours suivant l’adjudication. Elle vaut demande de fixation d’une audience de surenchère.

L’avocat atteste s’être fait remettre de son mandant une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque du dixième du prix principal de la vente.

La déclaration de surenchère ne peut être rétractée.

En conséquence, le Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Paris a fait droit à la demande de l’adjudicataire en déclarant irrecevable la surenchère, dans une décision du 9 février 2023.

En effet, il rappelle que selon une jurisprudence bien assise, il entre dans les pouvoirs du juge de l’exécution, lorsque la déclaration de surenchère est contestée, de s’assurer de la validité de la garantie de paiement ; à défaut de remise par le surenchérisseur d’une garantie de paiement valable, la surenchère est irrecevable (1) ; n’est considérée comme valable que l’une des garanties de paiement visées à l’article R322-51 précité (2), de sorte, par exemple, que le dépôt du dixième du montant de la mise à prix sur un compte CARPA ne constitue pas un cautionnement bancaire irrévocable au sens de l’article R322-51 (3).

Le juge de l’exécution peut relever d’office cette irrecevabilité (4).

Or, en l’espèce, à la date de la déclaration de surenchère, aucune des garanties limitativement énumérées à l’article R322-51 n’était en possession de l’avocat mandaté pour surenchérir.

Un virement SEPA ou un chèque bancaire classique qui peuvent être révoqués, à tout moment, ne sont donc pas des garanties de paiement valables ; l’avocat n’ayant, de surcroît, pas à endosser le rôle d’une banque auprès de son client qui pourrait faire opposition au chèque ou au virement.

On comprend aisément la raison pour laquelle, en cas de surenchère, le législateur a souhaité qu’un dixième du prix principal de la vente se trouve de façon irrévocable entre les mains de l’avocat.

En effet, la surenchère vient remettre en cause le jugement d’adjudication qui avait scellé la vente et qui forme ainsi un contrat judiciaire ; ce faisant, elle créé une insécurité juridique.

Pour preuve, l’adjudicataire doit assurer le bien qu’il a acquis à la date du jugement d’adjudication car, s’il n’y a pas de surenchère, il est alors considéré comme propriétaire du bien au jour du jugement d’adjudication et non à l’expiration du délai de surenchère.

La surenchère fragilise les droits de l’enchérisseur initial, encore faut-il que
ce soit à bon escient (5).

Le législateur n’a donc autorisé la remise en cause de la vente que sous certaines conditions qui prouvent la réalité et le sérieux de la surenchère, le caractère irrévocable du dépôt du dixième du prix d’adjudication, à travers deux moyens de paiement, à l’exclusion de tout autre, en fait partie.

Par conséquent, non seulement le délai pour surenchérir est limité dans le temps : 10 jours à compter du jugement d’adjudication, mais de plus, la surenchère doit respecter certaines conditions.

Le deuxième point que le jugement rappelle est donc que la sanction du défaut de caution bancaire irrévocable ou de chèque de banque du dixième du prix d’adjudication est l’irrecevabilité de la surenchère, et non sa nullité.

Commentant l’arrêt du 10 mars 2011, le professeur Perrot a noté que la Cour de cassation a pris soin de ne pas s’aventurer dans les méandres de la nullité et que, sur le terrain de l’irrecevabilité, peu importe le grief (6).

On le comprend, plus que jamais l’avocat spécialiste des ventes aux enchères immobilières doit veiller au respect, par son client, des règles prévues en la matière.

  1. Civ. 2ème, 10 mars 2011, n° 10-15.486, publié.
  2. Civ. 2ème, 11 avril 2013, n° 12-10.053 et 12-24.715, publié.
  3. Civ. 2ème 18 février 2016, n°14-29.052, publié.
  4. Civ. 2ème 23 juin 2016, n°15-19.520.
  5. Pièdelièvre, à la Revue de Droit bancaire et financier n°3, mai 2011, comm. 105.
  6. Procédures n°6, juin 2011, comm. 200.