ActualitésLe jugement d’adjudication vaut-il titre d’expulsion en licitation ?

12 juin 2025

Dans le cadre des ventes judiciaires d’un bien immobilier, la question du titre d’expulsion en fonction de la procédure applicable se pose. La distinction entre la saisie immobilière et la licitation a un impact direct sur la possibilité d’expulsion des occupants. Ce guide explore les principes juridiques entourant le jugement d’adjudication et ses implications en matière de saisie immobilière et de licitation.

1. Principes généraux : titre d’expulsion et adjudication

En matière de vente judiciaire d’un bien immobilier, il existe deux procédures distinctes : la vente sur saisie immobilière et la vente sur licitation (partage entre indivisaires).
Le jugement d’adjudication rendu dans le cadre d’une saisie immobilière constitue, depuis le 1er janvier 2007, un titre d’expulsion à l’encontre du débiteur saisi et de tout occupant de son chef n’ayant aucun droit qui lui soit opposable (art. L. 322-13 du Code des procédures civiles d’exécution).

2. L’exception de la licitation (partage)

Cependant, la jurisprudence récente rappelle que cette règle ne s’applique pas à la vente sur licitation, c’est-à-dire à la vente après partage d’un bien indivis. La Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 17 novembre 2022 que le jugement d’adjudication sur licitation ne vaut pas titre d’expulsion.
(Cass. 2e civ., 17 nov. 2022, n° 20-18.047, n° 1174 F-B).

3. Les fondements juridiques de la distinction

La différence de traitement entre la saisie immobilière et la licitation repose sur la nature des procédures et la lettre des textes applicables. L’article L. 322-13 du Code des procédures civiles d’exécution, qui confère au jugement d’adjudication la qualité de titre d’expulsion, s’applique exclusivement à la saisie immobilière.
Il ne concerne pas la vente sur licitation, qui relève de la procédure de partage judiciaire. Comme le souligne la doctrine et la jurisprudence récente, « Il résulte de la combinaison des articles 1377 et 1271 à 1281 du Code de procédure civile relatifs à la vente sur licitation que de nombreuses règles régissant la procédure de saisie immobilière s’appliquent à la procédure de vente judiciaire d’immeubles après partage, mais l’article L. 322-13 du code des procédures civiles d’exécution ne lui est pas applicable. »

4. Raisons de l’absence de titre d’expulsion en licitation

La raison principale tient à la volonté du législateur de réserver le bénéfice du titre d’expulsion à la procédure de saisie immobilière, visant à exproprier un débiteur défaillant.
La vente sur licitation, qui intervient entre indivisaires dans le cadre d’un partage, ne revêt pas le caractère d’une mesure d’exécution forcée. Dès lors, l’occupant, souvent un indivisaire, ne peut être expulsé sur la seule base du jugement d’adjudication. Le nouveau propriétaire devra engager une procédure d’expulsion classique.

5. Incidences pratiques

En saisie immobilière :

Le jugement d’adjudication permet à l’adjudicataire, une fois le prix versé et les frais taxés payés, de solliciter l’expulsion du débiteur saisi et de tout occupant de son chef n’ayant aucun droit opposable, sauf si le cahier des conditions de vente prévoit le maintien dans les lieux du débiteur saisi.
Le jugement d’adjudication permet d’engager l’expulsion à compter de la consignation du prix et du paiement des frais taxés (C. pr. exéc., art. L. 322-13 et R. 322-64).

En licitation :

Une procédure d’expulsion doit être engagée, car le jugement d’adjudication ne permet pas, à lui seul, de procéder à l’expulsion.
Le jugement d’adjudication sur licitation ne permet pas l’expulsion (Cass. 2e civ., 17 nov. 2022, n° 20-18.047, n° 1174 F-B).

6. Conclusion

En résumé, le jugement d’adjudication vaut titre d’expulsion en matière de saisie immobilière, mais pas en matière de licitation. Cette différence est due à la nature des procédures et à l’intention du législateur de protéger d’une part les créanciers dans le cadre de la saisie immobilière, et d’autre part les droits des indivisaires dans le cadre du partage. L’acquéreur d’un bien sur licitation devra recourir à une action spécifique en expulsion contre les occupants du bien, même s’il en devient propriétaire par le jugement d’adjudication.