En matière de vente aux enchères immobilière, la surenchère est strictement encadrée par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE). Elle permet, sous conditions, de remettre en cause l’adjudication initiale. Encore faut-il que la surenchère soit accompagnée d’une garantie de paiement conforme. À défaut, elle est irrecevable, comme le rappelle la jurisprudence récente.
A défaut de remise par le surenchérisseur d’une garantie de paiement valable, la surenchère est irrecevable…
La réforme des saisies immobilières n’a pas entraîné la disparition de la surenchère, même si elle en a modifié quelques aspects.
La finalité de la surenchère est que le bien soit vendu au meilleur prix.
Cependant, le législateur a souhaité encadrer la surenchère afin d’éviter que l’incertitude plane trop longtemps sur le sort de la première adjudication.
Faits de l’espèce
Une société est déclarée adjudicataire d’un bien immobilier, lors de l’audience des saisies immobilières du Tribunal Judiciaire.
Huit jours plus tard, selon déclaration de surenchère dénoncée le même jour à l’adjudicataire, une autre société déclare former une surenchère du dixième du prix, conformément à l’article R322-51 du CPCE.
Cependant, la société adjudicataire conteste la surenchère au motif que l’avocat mandaté n’a pas remis une garantie de paiement conforme : ni caution bancaire irrévocable, ni chèque de banque du dixième du prix.
Problème soulevé : la validité de la garantie de paiement
Il figure sur l’attestation de consignation que la somme a été déposée sur le compte CARPA du conseil de la société surenchérisseuse.
Ce dernier n’atteste pas s’être fait remettre un chèque de banque ou une caution irrévocable, mais simplement que la somme a été virée par la société sur son compte, puis qu’un chèque CARPA a été remis à l’encaissement dans les dix jours.
Exigence textuelle de l’article R322-51 CPCE
« À peine d’irrecevabilité, la surenchère est formée par acte d’avocat et déposée au greffe du juge de l’exécution dans les dix jours suivant l’adjudication.
Elle vaut demande de fixation d’une audience de surenchère.
L’avocat atteste s’être fait remettre de son mandant une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque du dixième du prix principal de la vente.
La déclaration de surenchère ne peut être rétractée. »
Décision du juge de l’exécution – TJ de Paris, 9 février 2023
Le Juge de l’exécution a fait droit à la demande de l’adjudicataire en déclarant irrecevable la surenchère.
Il rappelle :
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Il entre dans les pouvoirs du JEX, lorsqu’une déclaration de surenchère est contestée, de vérifier la validité de la garantie de paiement.
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À défaut de remise d’une garantie valable, la surenchère est irrecevable.
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Ne sont valables que les deux formes prévues par l’article R322-51 : caution bancaire irrévocable ou chèque de banque.
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Le dépôt sur un compte CARPA n’est pas assimilable à une garantie irrévocable.
Le JEX peut relever d’office cette irrecevabilité.
Raisonnement juridique
À la date de la déclaration de surenchère :
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Aucune des garanties visées par l’article R322-51 n’était en possession de l’avocat.
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Un virement SEPA ou un chèque bancaire classique, révocables, ne peuvent être considérés comme valables.
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L’avocat n’a pas vocation à assumer le rôle de garant bancaire, d’autant qu’un client peut faire opposition à un virement ou un chèque.
Le législateur a donc souhaité que le dixième du prix de la vente soit irrévocablement remis à l’avocat pour valider la surenchère.
Justification de cette exigence
La surenchère remet en cause un jugement d’adjudication, qui forme un contrat judiciaire.
Elle génère donc une insécurité juridique :
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L’adjudicataire est réputé propriétaire du bien dès le jugement d’adjudication s’il n’y a pas de surenchère.
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Il doit assurer le bien immédiatement.
La surenchère fragilise ses droits.
Le législateur limite donc cette remise en cause à des conditions strictes, garantissant le sérieux de la démarche.
Délai et sanction
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Délai : 10 jours à compter du jugement d’adjudication.
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Sanction du non-respect des garanties : irrecevabilité, et non nullité.
Civ. 2e, 10 mars 2011, n° 10-15.486 :
La Cour de cassation confirme que la sanction est l’irrecevabilité, sans exigence de démonstration d’un grief.
Références jurisprudentielles et doctrinales
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Civ. 2e, 10 mars 2011, n° 10-15.486, publié
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Civ. 2e, 11 avril 2013, n° 12-10.053 et 12-24.715, publié
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Civ. 2e, 18 février 2016, n° 14-29.052, publié
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Civ. 2e, 23 juin 2016, n° 15-19.520
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Pièdelièvre, Revue de Droit bancaire et financier n°3, mai 2011, comm. 105
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Procédures n°6, juin 2011, comm. 200
La surenchère en vente immobilière est une voie de recours encadrée avec rigueur. Pour être recevable, elle doit impérativement s’accompagner d’un chèque de banque ou d’une caution bancaire irrévocable. Un avocat spécialisé en saisie immobilière saura vous conseiller sur la régularité et la stratégie à adopter.