Introduction :
La saisie immobilière, suivie d’une adjudication, peut donner lieu à la présence de locataires, de membres de la famille ou d’autres occupants dans les lieux. Selon leur statut et la date de leur droit d’occupation, ces personnes peuvent avoir des droits spécifiques, mais peuvent également être expulsées. Ce guide examine les droits des locataires, des occupants et des ayants droit, ainsi que les conséquences de leur maintien dans les lieux après une saisie immobilière.
1. Principes applicables à la suite d’une saisie immobilière
Après une saisie immobilière et l’adjudication du bien, le sort des personnes occupant les lieux dépend de la nature et de la date de leur droit d’occupation, ainsi que de la connaissance de ce droit par l’adjudicataire avant la vente.
Le titre d’expulsion constitué par le jugement d’adjudication (C. exécution art. L 322-13) peut, à compter du versement du prix ou de sa consignation et du paiement des frais taxés par l’adjudicataire (n° 16495 s.), être mis à exécution non seulement à l’encontre du débiteur saisi mais également de tout occupant de son chef n’ayant aucun droit opposable au débiteur saisi, sauf si le cahier des conditions de vente prévoit le maintien dans les lieux du débiteur saisi (art. R 322-64) [1].
2. Distinction entre les différentes catégories d’occupants
A. Le débiteur saisi
Le débiteur saisi doit libérer les lieux une fois l’adjudication prononcée et le transfert de propriété effectué, sauf stipulation contraire prévue au cahier des charges.
Le saisi perd tout droit d’occupation dès le prononcé du jugement d’adjudication (Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-12.353, D. 2019. 1235 ; AJDI 2019. 817, obs. F. Cohet).
Le débiteur qui se maintient dans les lieux après l’adjudication est redevable d’une indemnité d’occupation à compter du jugement d’adjudication.
L’indemnité est la contrepartie de l’utilisation sans titre du bien (Civ. 2e, 11 mars 2010, n° 09-12.712, Bull. civ. II, n° 54).
B. Les locataires
1. Baux antérieurs au commandement de saisie
Si le bail a été conclu avant le commandement de saisie, il est en principe opposable à l’adjudicataire, à condition qu’il ait date certaine avant le commandement ou que l’adjudicataire en ait eu connaissance avant l’adjudication.
Le bail est opposable à l’adjudicataire même s’il a été conclu après le commandement de saisie immobilière, à condition que l’adjudicataire en ait eu connaissance avant l’adjudication (Cass. 2e civ., 16 janv. 2025, n° 21-17.794 F-B).
2. Baux postérieurs au commandement de saisie
Les baux consentis après la signification du commandement de payer valant saisie sont en principe inopposables à l’adjudicataire, sauf s’il en a eu connaissance avant l’adjudication.
L’article L. 321-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que les baux conclus après la délivrance du commandement de saisie sont inopposables à l’adjudicataire [4].
3. Connaissance du bail par l’adjudicataire
La jurisprudence précise que le bail est opposable à l’adjudicataire si celui-ci en a eu connaissance avant la vente, quelle que soit la date du bail.
La simple mention de la location dans l’acte de vente sans autre précision ne suffit pas à établir la connaissance du bail par l’adjudicataire (Cass. 3e civ., 4 mars 1971, n° 69-10.354 : Bull. civ. III, n° 153).
4. Conséquences pour le locataire
-
Bail opposable : Le locataire conserve le droit au maintien dans les lieux et ne peut être expulsé par l’adjudicataire.
-
Bail inopposable : Le locataire est considéré comme occupant sans droit ni titre et peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion.
C. Les occupants du chef du saisi (ayant droit, famille, etc.)
Les occupants du chef du saisi, comme les membres de la famille, peuvent être expulsés dès lors qu’ils ne justifient d’aucun droit opposable à l’adjudicataire.
Le titre d’expulsion peut être mis à exécution à l’encontre du saisi et de tout occupant de son chef n’ayant aucun droit opposable [1].
D. Les squatters et occupants sans titre
Les squatters ou occupants sans titre n’ont aucun droit au maintien dans les lieux et peuvent être expulsés sur la base du jugement d’adjudication, sans formalité supplémentaire.
Exemples d’occupation sans titre : les squatters ou occupants sans titre ; les propriétaires expropriés dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière [7].
3. Droits spécifiques et protections particulières
A. Protection du domicile et procédure d’expulsion
L’expulsion doit respecter le formalisme légal, notamment la signification du jugement d’adjudication et le concours de la force publique en cas de besoin.
Des sanctions pénales sont également prévues en cas du non-respect de la procédure d’expulsion (C. pén., art. 226-4-2).
B. Indemnité d’occupation
Toute personne se maintenant dans les lieux sans titre après l’adjudication est redevable d’une indemnité d’occupation à l’adjudicataire, calculée à compter du transfert de propriété.
L’indemnité est due à compter du jugement d’adjudication, dès que le débiteur se maintient dans les lieux sans titre [2].
C. Cas particuliers des ventes consécutives à la division de l’immeuble
En cas de vente à la découpe (division de l’immeuble en lots), le locataire bénéficie d’un droit de préemption spécifique organisé par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Ce droit ne s’applique que lors de la première vente consécutive à la division.
Ce droit de préemption ne peut s’exercer qu’à l’occasion de la première vente consécutive à cette division [8].
4. Tableau récapitulatif
Catégorie d’occupant | Droits après adjudication | Expulsable ? | Indemnité d’occupation due ? |
---|---|---|---|
Débiteur saisi | Doit libérer les lieux (sauf maintien prévu) | Oui | Oui, pour la période post-adjudication |
Locataire (bail antérieur, connu) | Peut rester si bail opposable et connu de l’adjudicataire | Non | Non |
Locataire (bail postérieur ou non connu) | Expulsable sauf preuve d’opposabilité | Oui | Oui |
Occupant du chef du saisi | Expulsable sauf droit opposable | Oui | Oui |
Squatter/occupant sans titre | Aucun droit au maintien, expulsable | Oui | Oui |
5. Synthèse et conclusion
En résumé, les droits des occupants après une saisie immobilière dépendent de la nature de leur titre d’occupation et de la connaissance de ce titre par l’adjudicataire avant la vente. Les locataires ayant un bail opposable peuvent se maintenir dans les lieux, tandis que les autres occupants, comme les membres de la famille ou les squatters, sont expulsables et redevables d’une indemnité d’occupation. Le respect des formalités d’expulsion est essentiel pour éviter des sanctions pénales.