ActualitésCaractère abusif de la clause de déchéance du terme dans un prêt immobilier et validité du commandement de payer valant saisie immobilière

21 mai 2025

Dans le cadre d’un prêt immobilier, la clause de déchéance du terme peut avoir des conséquences lourdes : remboursement immédiat du capital, saisie immobilière, nullité du commandement de payer. Ce point technique soulève des enjeux cruciaux de validité contractuelle et de protection du consommateur.

1. Principes généraux de la clause de déchéance du terme dans le prêt immobilier

La clause de déchéance du terme est fréquemment insérée dans les contrats de prêt immobilier. Elle permet au prêteur, en cas de défaut de paiement d’une ou plusieurs échéances par l’emprunteur, d’exiger le remboursement immédiat de la totalité du capital restant dû, des intérêts et des accessoires du prêt.

Cependant, la validité de cette clause est strictement encadrée par le droit de la consommation, qui protège le consommateur contre les clauses contractuelles créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (article L. 212-1 du code de la consommation).

2. Appréciation du caractère abusif de la clause de déchéance du terme

a. Les critères d’appréciation du caractère abusif

Le juge est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une telle clause dès lors que les éléments du débat le permettent, même si le consommateur ne le sollicite pas explicitement (art. R 632-1, al. 2 du code de la Consommation ; CJCE 4-6-2009 aff. 243/08 : RJDA 10/09 n° 899).

Le caractère abusif est notamment retenu lorsque la clause prévoit l’exigibilité immédiate du prêt sans préavis raisonnable, ce qui expose le consommateur à une aggravation soudaine des conditions de remboursement :

« Crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable. Une telle clause est abusive au sens de l’article L 132-1 du Code de la consommation. »

Les juridictions françaises et européennes exigent que la clause ne donne pas au prêteur un pouvoir discrétionnaire d’apprécier les manquements de l’emprunteur, et que l’emprunteur puisse contester la déchéance devant le juge.

b. Exemples jurisprudentiels et nuances importantes

Est présumée abusive la clause permettant au professionnel de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable (art. R. 212-2, 4° du code de la consommation).

La Cour de cassation a jugé abusive une clause autorisant le prononcé de la déchéance du terme huit jours seulement après mise en demeure, sans mécanisme de régularisation du retard de paiement.

Néanmoins, toutes les clauses de déchéance du terme ne sont pas abusives : si la clause ne prive pas l’emprunteur du droit de contester la décision ou si elle ne confère pas un pouvoir discrétionnaire au prêteur, elle pourra être jugée valable.

c. Spécificités et recommandations

La Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses laissant croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas de fausse déclaration ou d’inobservation d’une obligation non essentielle, sans possibilité de recours au juge.

3. Validité du commandement de payer valant saisie immobilière

a. Conditions de validité du commandement

Pour qu’un commandement de payer valant saisie immobilière soit valable et permette au créancier de réclamer la totalité du prêt, la créance doit être certaine, liquide et exigible (art. L. 311-2 CPCE).

L’article L. 311-2 du code des procédures civiles d’exécution ajoute que pour les obligations à durée déterminée, la notion d’exigibilité ne doit pas être confondue avec la déchéance du terme. Ainsi :

  • Une saisie peut être poursuivie sur la base d’un commandement visant le paiement des arriérés échus.

  • Si le créancier veut réclamer la totalité, il doit se prévaloir de la déchéance du terme, qui ne doit pas reposer sur une clause abusive.

Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, n° 21-25.823, n° 883 F – B : Une clause abusive est réputée non écrite, le commandement de payer fondé dessus encourt l’annulation.

b. Examen du caractère abusif par le juge de l’exécution

Le juge de l’exécution, dans le cadre d’une saisie immobilière, doit rechercher d’office le caractère abusif des clauses du contrat de prêt qui fondent la créance, même si celle-ci a déjà donné lieu à un jugement :

Cass. 1e civ. 22-3-2023 n° 21-16.476 FS-B : BRDA 10/23 inf. 24

c. Conséquences du caractère abusif

Si la clause est jugée abusive, la totalité du prêt ne peut être exigée. Seuls les arriérés échus peuvent être réclamés, et la procédure de saisie immobilière sur la totalité encourt la nullité :

Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, n° 21-25.823, n° 883 F – B

Conclusion

La protection du consommateur prime en matière de prêt immobilier : le juge doit systématiquement contrôler le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, particulièrement lorsqu’elle fonde un commandement de payer valant saisie immobilière réclamant la totalité du prêt. Toute clause qui expose le consommateur à un risque excessif pourra être réputée non écrite et entraîner la nullité du commandement de payer. Seule une clause équilibrée permet au prêteur de réclamer valablement la totalité du prêt en cas de défaillance.

La clause de déchéance du terme est un levier puissant pour les établissements prêteurs, mais elle doit impérativement respecter les exigences du droit de la consommation. Toute procédure de saisie immobilière fondée sur une clause abusive peut être annulée, d’où l’importance d’un accompagnement juridique rigoureux.