ActualitésLe cahier des conditions de vente (CCV) en saisie immobilière

1 décembre 2025

Le cahier des conditions de vente est le document clé d’une vente aux enchères judiciaires.
Il fixe les règles du jeu, rassemble toutes les informations sur le bien saisi et encadre les droits et obligations du débiteur, des créanciers, des enchérisseurs et de l’adjudicataire.


1. Qu’est-ce que le CCV et à quoi sert-il

Le cahier des conditions de vente est le support juridique de la vente forcée.
Il détermine les modalités pratiques des enchères et regroupe l’ensemble des pièces et informations utiles sur le bien saisi.

Il a une double fonction

  • informer les enchérisseurs sur la situation juridique et matérielle du bien

  • sécuriser la procédure pour le créancier poursuivant, le débiteur saisi et l’adjudicataire

Il est établi par l’avocat du créancier poursuivant et déposé au greffe du juge de l’exécution. Il est en général également consultable au cabinet de cet avocat.


2. Qui rédige le CCV, à quel moment et où le consulter

L’avocat du créancier poursuivant élabore le CCV et le dépose au greffe du juge de l’exécution au plus tard le cinquième jour ouvrable suivant l’assignation délivrée au débiteur.

Le non-respect de ce délai est gravement sanctionné, puisqu’il entraîne la caducité du commandement de payer valant saisie, sauf justification d’un motif légitime.

Consultation

  • au greffe du juge de l’exécution

  • en pratique, également au cabinet de l’avocat poursuivant

L’impossibilité ponctuelle de le consulter au cabinet de l’avocat n’est pas, en elle-même, sanctionnée.


3. Contenu obligatoire du CCV et sanctions

Le cahier des conditions de vente doit comporter un certain nombre de mentions et de pièces, à peine de nullité avec, comme conséquence, la caducité du commandement de payer valant saisie.

Doivent notamment y figurer

  • le titre exécutoire

  • le décompte détaillé des sommes réclamées

  • la mention et la publication du commandement de payer valant saisie

  • la désignation précise de l’immeuble et l’origine de propriété

  • les servitudes connues

  • la situation locative et les baux en cours

  • le procès-verbal de description du bien

  • la mise à prix et les conditions de la vente

  • la désignation du séquestre ou la mention de la Caisse des dépôts et consignations

L’absence d’un procès-verbal de description conforme aux articles R. 322-1 à R. 322-3 du Code des procédures civiles d’exécution, ou le dépôt hors délai du CCV, emporte caducité du commandement de payer valant saisie (Cass. 2e civ., 21 févr. 2013, no 12-15.643).


4. Nature juridique du CCV, contestation et force obligatoire

Avant l’audience d’orientation, le CCV a la nature d’un projet. Il peut être discuté et complété par toute partie intéressée.

Lors de l’audience d’orientation, le juge statue sur les contestations et fixe définitivement le contenu du CCV. À compter de cette audience, le cahier des conditions de vente devient véritablement la loi des parties (C. pr. exéc., art. R. 322-11, alinéa 3).

La jurisprudence est constante

  • le cahier des conditions de vente, ancien cahier des charges, a force obligatoire entre le créancier saisissant, les créanciers inscrits, le débiteur saisi et l’adjudicataire

  • il s’impose également aux enchérisseurs et au surenchérisseur
    (Civ. 2e, 14 janv. 1981, no 80-10.693 ; Civ. 2e, 2 juill. 1986, no 85-12.884 ; Civ. 2e, 6 oct. 1993, no 91-17.897)

En revanche, il est illicite d’y insérer des clauses modifiant l’ordre légal de répartition du prix entre les créanciers. Sont ainsi annulées les clauses imposant à l’adjudicataire de régler des dettes qui devraient rester à la charge du débiteur saisi, comme certains arriérés de charges de copropriété (Civ. 2e, 2 déc. 1992, no 91-16.582 ; Civ. 2e, 9 juill. 1997, no 95-19.232 ; Civ. 3e, 6 mars 1991, no 88-17.828).


5. Clauses types et cadre déontologique des ventes judiciaires

Le Conseil national des barreaux a adopté des clauses types pour les ventes judiciaires, et en particulier pour la saisie immobilière.

Ces clauses sont reprises dans le Règlement intérieur national de la profession d’avocat, article 12 et article 12.1, ainsi que dans plusieurs décisions du CNB, notamment celle du 4 avril 2009 et la décision du 13 février 2019 publiée au Journal officiel du 7 mars 2019.

Le RIN encadre également la réception des enchères par l’avocat

  • l’avocat ne peut porter des enchères qu’en vertu d’un seul mandat

  • il doit vérifier la capacité et la situation juridique de son client

  • sauf accord écrit, il ne peut pas se porter surenchérisseur pour une autre personne après avoir déjà porté enchère pour un premier client
    (RIN, art. 12.2)


6. Diagnostics techniques et informations sur l’état du bien

Comme pour une vente de gré à gré, la vente publique doit être accompagnée d’un dossier de diagnostic technique.

Doivent notamment être annexés

  • diagnostics amiante, plomb, termites

  • diagnostics gaz et électricité

  • diagnostic de performance énergétique

  • état des risques

  • diagnostic d’assainissement, le cas échéant

La responsabilité de la réunion et de l’annexion de ces diagnostics pèse sur l’avocat rédacteur du CCV, en application de l’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de la loi no 2024-322 du 9 avril 2024.


7. Situation locative et occupation des lieux

Le cahier des conditions de vente doit informer clairement sur la situation d’occupation du bien

  • existence d’un bail d’habitation ou commercial

  • présence éventuelle de locataires protégés

  • procédures en cours relatives au bail

  • présence éventuelle de squatters

  • existence d’un droit de préemption des locataires, notamment au titre de la loi dite Aurillac

Ces informations sont essentielles pour l’enchérisseur, car elles conditionnent la rentabilité et les modalités de reprise du bien.


8. Enchères, garanties et surenchère

Les enchères sont portées devant le juge de l’exécution par ministère d’avocat.

Un cautionnement est exigé de tout enchérisseur

  • en principe dix pour cent de la mise à prix

  • avec un minimum de trois mille euros

L’adjudication est prononcée lorsque, à l’issue d’un délai de quatre-vingt dix secondes, aucune enchère plus élevée n’est portée (C. pr. exéc., art. R. 322-40, R. 322-41, R. 322-45).

Après l’adjudication, la loi prévoit un mécanisme de surenchère

  • toute personne peut former une surenchère égale à au moins dix pour cent du prix d’adjudication

  • ce délai est de dix jours à compter du jugement d’adjudication

  • une nouvelle audience de vente est alors fixée, avec mise à prix majorée du montant de la surenchère

  • à défaut de nouvelle enchère, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire
    (C. pr. exéc., art. R. 322-50, R. 322-51, R. 322-55)


9. Paiement du prix, délais, intérêts et sanctions

L’adjudicataire doit verser le prix d’adjudication sur un compte séquestre ou à la Caisse des dépôts et consignations, et régler les frais de poursuite et les droits de mutation.

Délai légal

  • deux mois à compter du jugement d’adjudication, à peine de réitération des enchères
    (C. pr. exéc., art. L. 322-9, R. 322-58, R. 322-66)

À l’expiration de ce délai de deux mois

  • le prix produit de plein droit intérêts au taux légal jusqu’au paiement intégral

  • quatre mois après le jugement d’adjudication, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points en application de l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier

Cette règle figure désormais dans le modèle de CCV établi par le CNB.

La consignation tardive du prix n’empêche pas nécessairement la réitération des enchères. La vente peut être résolue par le juge en cas de défaillance persistante de l’adjudicataire (Civ. 2e, 1er oct. 2020, no 19-12.830).


10. Titre de vente, publication et purge des inscriptions

Le titre de vente est constitué

  • de l’expédition du cahier des conditions de vente revêtue de la formule exécutoire

  • du jugement d’adjudication transcrit en marge

Ce titre doit ensuite être publié au service de la publicité foncière à l’initiative de l’adjudicataire ou, à défaut, d’un créancier poursuivant (C. pr. exéc., art. R. 322-61, R. 322-62).

La publication du titre de vente a un effet majeur

  • elle purge les inscriptions grevant l’immeuble

  • les créanciers ne disposent plus d’un droit sur l’immeuble lui-même, mais uniquement sur le prix de vente
    (C. pr. exéc., art. L. 322-14)


11. Clauses usuelles du CCV et points de vigilance pour les enchérisseurs

En pratique, le cahier des conditions de vente comporte de nombreuses clauses types, parmi lesquelles

  • situation locative et occupation des lieux

  • obligations du débiteur saisi de ne pas dégrader l’immeuble

  • modalités de consignation préalable pour pouvoir enchérir

  • rappel des règles de surenchère et de réitération des enchères

  • clauses d’élection de domicile et d’attribution de juridiction

  • mentions des droits de préemption urbains ou des communes

  • indication de la présence éventuelle de squatters ou de procédures pendantes

Le modèle de CCV établi par le CNB, combiné aux exigences du RIN, encadre strictement la rédaction de ces clauses et la réception des enchères. L’objectif est de sécuriser les ventes judiciaires et de garantir une information claire et loyale des enchérisseurs.


À retenir

Le cahier des conditions de vente est le document de référence de toute saisie immobilière.
Pour un créancier comme pour un candidat enchérisseur, sa lecture attentive est indispensable. Il permet d’identifier les risques juridiques, la situation réelle du bien et les conséquences financières de l’adjudication.

Un accompagnement par un avocat rompu aux ventes judiciaires est vivement recommandé, tant pour la rédaction du CCV que pour l’analyse de son contenu avant d’enchérir.