ActualitésLa publication au service de publicité foncière du jugement d’adjudication : ses effets sur la saisie pénale immobilière

12 mars 2025

La question de savoir si la publication au service de publicité foncière d’un jugement d’adjudication rendu à l’audience des saisies immobilières du tribunal judiciaire de Paris constitue une mainlevée de la saisie pénale immobilière est essentielle pour comprendre les interactions entre procédures civiles d’exécution et procédures pénales.

Ce sujet, à la croisée du droit civil et du droit pénal, mérite une analyse approfondie des textes législatifs et de la jurisprudence en vigueur.


1. Le rôle de la publication au service de publicité foncière dans la procédure civile d’exécution

Dans le cadre des saisies immobilières, la publication au service de publicité foncière du jugement d’adjudication est une étape décisive. Elle entraîne la purge des sûretés inscrites au nom du débiteur à compter de sa publication.

Selon l’article L. 322-14 du Code des procédures civiles d’exécution, l’immeuble est purgé de plein droit des hypothèques et autres sûretés dès lors que le prix est versé ou consigné.

Cette purge concerne aussi les vices de procédure antérieurs, sauf en cas de fraude manifeste ou d’irrégularité affectant le titre des poursuites.

La jurisprudence confirme cette interprétation, notamment à travers les arrêts Cass. 2e civ., 27 février 2014, n° 13-12.495 et Cass. 2e civ., 9 avril 2015, n° 14-16.805.


2. La saisie pénale immobilière : une procédure distincte avec des effets spécifiques

Contrairement à la saisie civile, qui vise à désintéresser les créanciers, la saisie pénale immobilière a pour objectif de garantir l’exécution d’une éventuelle peine de confiscation.

Cadre légal

  • L’article 706-151 du Code de procédure pénale prévoit que la saisie pénale est opposable aux tiers dès sa publication au service de publicité foncière.
  • Cette mesure est provisoire et n’entraîne aucun transfert de propriété, sauf en cas de décision de confiscation ultérieure.

Effet de suspension

  • La saisie pénale suspend toute procédure civile d’exécution, y compris les saisies immobilières.
  • Cette suspension dure jusqu’à la mainlevée de la saisie pénale ou la confiscation du bien.

3. La publication du jugement d’adjudication ne constitue pas une mainlevée automatique

L’interaction entre ces deux procédures est complexe.

La primauté de la saisie pénale

  • Tant que la saisie pénale n’a pas été levée par une décision expresse du juge pénal, elle demeure en vigueur.
  • La publication d’un jugement d’adjudication ne peut, à elle seule, annuler une saisie pénale.

Les conditions de mainlevée

  • Seul le juge d’instruction ou le procureur de la République peut lever une saisie pénale.
  • Une option envisageable est le report de la saisie pénale sur le prix de vente, après le paiement des créanciers prioritaires (article 706-152 du Code de procédure pénale).

4. Jurisprudence et coexistence des procédures

La jurisprudence confirme que la saisie pénale et la saisie immobilière peuvent coexister, sous conditions.

Exemples de décisions judiciaires

  1. La publication d’un commandement de saisie immobilière ou d’un jugement d’adjudication ne fait pas obstacle à une saisie pénale ultérieure.
  2. Toutefois, le juge pénal peut autoriser la vente de l’immeuble, en décidant que la saisie pénale sera reportée sur le prix de vente (articles 706-143 et 706-144 du Code de procédure pénale).

5. Saisie pénale et procédure de surenchère

Une question spécifique se pose en cas de surenchère sur un bien faisant l’objet d’une saisie pénale.

Position de la Cour de cassation (Avis du 7 août 2019, Crim. 7 août 2019, n° 40003)

  • Une vente sur surenchère ne peut être poursuivie si la créance à l’origine de la saisie immobilière fait l’objet d’une saisie pénale.
  • La saisie pénale rend indisponible la créance, interdisant toute transformation du bien sans l’accord du juge des libertés et de la détention.
  • Une vente sur surenchère reste possible, mais uniquement sous autorisation judiciaire (articles 706-143 et 706-144 du Code de procédure pénale).

6. Conclusion : Une autonomie et une hiérarchisation des procédures

Résumé des points clés

  • La publication du jugement d’adjudication ne vaut pas mainlevée de la saisie pénale immobilière.
  • La saisie pénale demeure en vigueur jusqu’à décision expresse du juge pénal.
  • Une coordination entre justice civile et pénale est nécessaire pour assurer la gestion des biens saisis.

Finalement, la publicité foncière joue un rôle central dans la sécurisation des transactions, tout en tenant compte de la primauté des saisies pénales sur les procédures civiles d’exécution.